Verletzliche Flüchtlinge schützen! Nein zur sturen Anwendung der Dublin-Verordnung
Yannis Behrakis
Article de blog d'Evelyn Stokar du 16.05.2022

Si je devais fuir mon pays...

Si je devais fuir mon pays...

Les récits de personnes qui fuient leur pays sont dramatiques et profondément bouleversants. Ils décrivent les départs contraints, l’abandon de tout ce qui est familier, les traumatismes. Ils peuvent aussi laisser entrevoir de nouvelles perspectives – à condition que les personnes ne soient pas brisées sur le chemin de l’exil.

L’éclatement de la guerre en Ukraine ouvre de nouvelles voies d’exil... 

Peu après le début de la guerre en Ukraine, des voies d’exil vers l’Europe occidentale se sont ouvertes. Les transports publics urbains et interurbains sont devenus gratuits pour toutes les personnes réfugiées. J’ai été très surprise de lire dans le journal local qu’un homme s’était spécialement rendu à la frontière entre la Pologne et l’Ukraine avec son fourgon pour aller chercher quelques réfugié·e·s. Et il ne s’agissait pas de proches ou de connaissances, mais bien de personnes qu’il ne connaissait pas. L’homme a rapporté que le voyage en train était compliqué pour les femmes ayant des nourrissons et que c’est ce qui l’avait poussé à agir. Un beau geste de solidarité !
Evelyn Stokar
Evelyn Stokar

Evelyn Stokar est juriste au Bureau des programmes suisses de l’EPER.

La peur constante des coups de la police ou des garde-frontières, la lutte quotidienne pour survivre et la traversée en mer dans un petit bateau pneumatique. Une traversée à laquelle ne survécurent que trois personnes sur les quatre ayant embarqué.

... mais pas pour tout le monde

Pourtant des images me reviennent de personnes qui se noient en mer Méditerranée, d’autres battues aux frontières dans les Balkans, de périples qui s’étendent sur des années. Je me souviens du livre de Fabio Geda, Dans la mer il y a des crocodiles, qui raconte une histoire vraie et nous donne une idée de ce que veut dire « fuir son pays ». Le livre retrace l’incroyable exil d’un jeune Afghan. La marche, des jours durant à travers les montagnes, pendant laquelle des gens chutent, meurent de froid ou de faim. Puis, le voyage de plusieurs jours à bord d’un camion, dans un espace de 50 cm de haut où on n’y voit absolument rien, et à la fin duquel on ne peut plus bouger pour sortir tellement les douleurs sont fortes. La peur constante des coups de la police ou des garde-frontières, la lutte quotidienne pour survivre et la traversée en mer dans un petit bateau pneumatique. Une traversée à laquelle ne survécurent que trois personnes sur les quatre ayant embarqué. 

Je me demande comment il pourrait en être autrement. Avec des trains gratuits et des frontières ouvertes pour toutes les personnes réfugiées ? C’est une utopie.

Devoir fuir est souvent traumatisant 

D’après mon expérience, les voies d’exil « sûres » sont réservées aux plus riches – c’est-à-dire aux personnes qui peuvent obtenir de faux documents et soudoyer les responsables des aéroports. Ou bien à celles qui peuvent arranger un mariage, mais là encore la richesse ou la beauté sont indispensables. Néanmoins, ces moyens-là comportent aussi des risques, ceux de l’illégalité et de la violence sexuelle. Et quiconque n’a pas ces privilèges risque d’être profondément traumatisé à la fin de son périple. Un médecin m’a informée que le pronostic était toujours sombre pour les personnes réfugiées traumatisées. Beaucoup n’arrivent plus à assimiler ce qu’elles ont vécu et à commencer une nouvelle vie. Elles sont brisées. 

Je me demande comment il pourrait en être autrement. Avec des trains gratuits et des frontières ouvertes pour toutes les personnes réfugiées ? C’est une utopie. Elles sont trop nombreuses pour cela – plus de 84 millions de personnes dans le monde selon les Nations Unies.

Que peut faire la Suisse ? 

Que peut faire un pays comme la Suisse, petit mais riche ? En plus d’aider les pays voisins des zones de conflits, la Suisse pourrait permettre aux réfugié·e·s, au moins à certain·e·s, d’emprunter des voies d’exil sûres.  

La réintroduction des demandes d’asile auprès des ambassades a pourtant été refusée il y a peu au Parlement, tandis que les visas humanitaires ne sont délivrés qu’à des conditions extrêmement restrictives. Les obstacles au regroupement familial sont importants, et les contingents de réinstallation peu élevés.   

Selon le Secrétariat d’État aux migrations (SEM), depuis 2013, les personnes particulièrement vulnérables ayant été reconnues au préalable comme réfugiées par le HCR sont accueillies (réinstallation). Viennent s’ajouter quelques personnes qui ont bénéficié d’un regroupement familial simplifié depuis la Syrie ou du programme de répartition en Europe. Au total, le chiffre s’élève à 950 personnes environ par année. Dans le cadre du débat qui a lieu autour du renforcement de « Frontex », la commission compétente du Conseil des États s’est rendue à la frontière extérieure de l’espace Schengen en Grèce ainsi que dans un camp de réfugié·e·s. Bilan de ce déplacement : le renforcement de « Frontex » requiert des mesures d’accompagnement sous la forme d’une protection juridique étendue et de contingents de réinstallation plus élevés. La majorité de la commission s’est prononcée pour une augmentation du contingent à 2800 places pour l’année 2023, et la minorité pour une augmentation à 4000 places. Pourtant, nous votons maintenant sur le renforcement de « Frontex » sans qu’aucun développement des voies légales d’accès ne soit prévu pour les réfugié·e·s. Car à nouveau, le Parlement a refusé. 

Les revendications formulées par l’EPER dans sa pétition de 2018 en faveur de voies sûres et légales pour les réfugié·e·s en Suisse sont donc toujours d’actualité : une augmentation significative des contingents de réinstallation, l’octroi simplifié de visas humanitaires et des regroupements familiaux moins compliqués. 

Übergabe Petition für sichere Fluchtwege
Pétition
Des voies sûres pour sauver des vies.

En un peu moins de quatre mois, 38 591 personnes ont signé la pétition « Des voies sûres et légales pour les réfugiés » ! Ce large soutien témoigne de la solidarité exemplaire que la population porte aux personnes qui fuient la guerre et la persécution.

Si je devais fuir mon pays, je souhaiterais que ça se passe comme cela.

Nous pouvons au moins nous réjouir de la possibilité pour les personnes réfugiées ukrainiennes d’entrer en Suisse de manière sûre et légale. Il est déjà assez difficile de devoir fuir son pays. Si la destination peut être atteinte en quelques jours et que l’accueil reçu est empreint de solidarité, alors il y a de bonnes chances pour que de nouvelles perspectives s’ouvrent à ces personnes réfugiées. Si je devais fuir mon pays, je souhaiterais que ça se passe comme cela. 

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