Unterstützung für die Guaraní Kaiowá
HEKS
Article de blog de Tina Goethe du 15.10.24

Expulsion violente et discrimination impitoyable

Expulsion violente et discrimination impitoyable

Depuis des décennies, les Guarani-Kaiowá se battent pour récupérer leurs terres, exploitées pour de gros profits par l’agro-industrie brésilienne. Dans leur quête de justice entravée par des discriminations et des injustices quotidiennes, le soutien de partenaires internationaux offre une lueur d’espoir.

Rendez-vous à l’aéroport de Brasilia, destination Dourados, une ville de l’État du Mato Grosso do Sul, à la frontière avec le Paraguay. Nous partons évaluer un projet de l’EPER qui a pour objectif la défense des droits fonciers du groupe ethnique autochtone des Guarani-Kaiowá. Pour moi, le Brésil est une terre inconnue – et je ne connais ce projet que sur le papier.
 
Tina Goethe
Tina Goethe

Tina Goethe travaille au sein de la Division Coopération internationale de l’EPER. Elle est coresponsable du Département Politique de développement & conseil thématique.

Ici, la discrimination envers les autochtones est impitoyable.

C’est peut-être pour cette raison que la déclaration de Martin, qui participe à l’évaluation pour le compte de notre organisation partenaire FIAN, me frappe si durement : « Il a été très difficile de réserver un logement pour nous tou·te·s. À Dourados, il n’y a qu’un seul hôtel qui accepte les autochtones. » Je suis sans voix. Dans quel pays ai-je débarqué ? Dans quel siècle sommes-nous ? Martin hoche la tête : « Oui, c’est extrêmement raciste et totalement illégal. Mais c’est la réalité. »

Ici, la discrimination à l’encontre des populations autochtones est impitoyable. Dourados n’est pas un simple village. C’est une ville qui compte plus d’habitant·e·s que Genève. Elle se trouve à l’épicentre de l’agro-industrie brésilienne. La terre y est plus fertile que dans la plupart des régions du monde. Il peut y avoir jusqu’à trois récoltes par an. Les principales cultures sont le soja, la canne à sucre et le maïs, des denrées cultivées sur de grandes surfaces avec, bien sûr, une utilisation massive d’engrais et de pesticides chimiques. Ces mêmes pesticides sont, pour la plupart, interdits en Suisse et dans l’Union européenne (UE), bien que certains d’entre eux soient vraisemblablement produits par des laboratoires du groupe agroalimentaire suisse Syngenta.

Les Guaraní-Kaiowá vivent entassés dans un espace restreint.

Ces terres génèrent, depuis des décennies, d’énormes bénéfices pour l’agrobusiness alors qu’elles appartiennent à la communauté autochtone des Guarani-Kaiowá. Les Guarani-Kaiowá, qui comptent encore environ 50 000 personnes, sont de plus en plus chassés de ces terres par la force. Depuis des décennies, ils luttent pour récupérer au moins une partie de leur territoire. Certes, la Constitution brésilienne reconnaît depuis 1988 le droit des populations autochtones sur leur territoire, mais cette disposition n’est toujours pas appliquée. Jusqu’à présent, seul 1,6 % de la surface revendiquée par les Kaiowá a été reconnue comme territoire autochtone. Les conséquences sont catastrophiques : les Guarani-Kaiowá vivent entassés dans un espace restreint, ils peuvent à peine se nourrir eux-mêmes et dépendent de l’aide alimentaire du gouvernement. L’absence de perspectives et la discrimination sont au moins aussi graves que la malnutrition et la faim.

En 2016, cinq communautés kaiowá ont accompli un pas courageux : avec FIAN et d’autres partenaires, ils ont déposé une plainte auprès de la Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH). L’EPER les a soutenus dès le début. Pourtant, huit ans après, la plainte attend toujours d’être traitée. Pour les représentant·e·s des communautés autochtones que nous rencontrons dans le cadre de l’évaluation, le procès revêt malgré tout une importance majeure, car, indirectement, beaucoup de choses ont bougé : les jeunes Kaiowá se sont organisés et une jeune femme nous parle avec fierté du travail de l’assemblée des jeunes et de la manière dont elle a rencontré, dans le cadre d’une délégation, des représentant·e·s de la CIDH à Washington pour faire avancer leur cas.

Cette pression extérieure est nécessaire.

La jeune femme, dont le grand-père a été abattu il y a quelques années par des tueurs à gages à la solde de grands propriétaires terriens, n’envisage pas de baisser les bras. La délégation a également fait part de ses préoccupations à l’UE. « Cette pression extérieure est nécessaire », m’explique l’avocat qui représente les Guarani-Kaiowá. Car au Brésil, le pouvoir de l’agro-industrie est intact, et pas seulement dans le Mato Grosso do Sul. Au parlement national aussi, les grands propriétaires terriens et les groupes agroalimentaires parviennent toujours à empêcher l’application des droits des populations autochtones.

L’histoire des Guarani-Kaiowá est marquée par des actes de violence intense, le racisme et la discrimination. Le fait que leur population existe encore et qu’ils continuent à trouver la force de se défendre tient du miracle, et m’impressionne profondément. La suite de leur histoire reste ouverte. Mais l’espoir est toujours là, car c’est bien connu, David gagne parfois contre Goliath. Surtout lorsqu’il est soutenu dans son combat.

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