Communiqué de presse du 26 janvier 2022

Économie extérieure: plusieurs occasions ratées

Le Conseil fédéral a publié aujourd'hui son rapport sur la politique économique extérieure 2021. Les conséquences dramatiques de la pandémie de Covid-19 sur les pays en développement et émergents y occupent une place importante. Mais il reste muet sur les occasions ratées de soutenir les populations les plus pauvres grâce à des financements innovants et à l'assouplissement des règles en matière de brevets. La Suisse doit enfin en faire plus.

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Le rapport mentionne l'importance centrale des fonds publics dans la coopération internationale (CI). Bien que ceux-ci aient globalement augmenté de 3,5 %, cela ne suffit de loin pas à compenser ne serait-ce que le recul des envois de fonds des migrants vers leur pays d'origine à cause de la pandémie. Avec 0,48% du revenu national brut, la CI suisse est loin de l'objectif de 0,7 % convenu au niveau international.

Le Conseil fédéral passe complètement sous silence une possibilité simple d'aider financièrement les pays en développement et émergents : En août 2021, le Fonds monétaire international (FMI) a attribué à ses membres des droits de tirage spéciaux (DTS) nouvellement créés pour un montant total de 650 milliards de dollars américains. Ceux-ci permettent d'acheter d'autres monnaies dans certaines limites, mais les pays les plus pauvres n'en ont reçu qu'une infime partie. « La Suisse n'a jamais besoin de réserves supplémentaires, elle devrait donc mettre les 5,5 milliards de dollars reçus à la disposition des pays les plus pauvres », réclame Andreas Missbach, directeur d'Alliance Sud.

Plus de transparence sur les créances

La Suisse abrite la septième plus grande place financière au monde et elle est la principale plaque tournante du commerce mondial des matières premières. Les banques suisses et les négociants en matières premières sont des créanciers privés essentiels des pays en développement. Le Conseil fédéral constate à juste titre que la crise de la dette dans le Sud s'aggrave en raison du coronavirus et du revirement attendu des taux d'intérêt aux Etats-Unis.

Pourtant l'année dernière, il ne s'est pas efforcé d'inciter les banques suisses et les négociants en matières premières à plus de transparence dans leurs relations de crédit avec les pays du Sud. Une grave omission, selon Missbach : « Sans la participation des créanciers privés, la crise de la dette dans le Sud ne pourra pas être désamorcée. La transparence est à cet égard une condition préalable pour trouver des solutions. La Suisse doit impérativement rattraper son retard dans ce domaine. »

Assouplir la protection des brevets

Le Conseil fédéral écrit à juste titre qu'une avancée rapide des campagnes de vaccination dans les pays en développement et émergents est cruciale pour la santé globale et la reprise économique mondiale ; mais dans les faits, il torpille des efforts importants pour faciliter l'accès aux vaccins aussi dans les pays du Sud.

A l'Organisation mondiale du commerce (OMC), la Suisse est l'un des rares pays à s'opposer à la levée temporaire de la protection de la propriété intellectuelle sur les vaccins, les tests et les traitements anti covid. « La Suisse doit enfin cesser de bloquer ces négociations, d'autant plus qu'elle présidera à partir de juillet le Conseil général, un organe qui a le pouvoir de prendre des décisions, sans attendre une hypothétique conférence ministérielle qui pourrait être reportée sine die en raison de la pandémie », déclare Missbach.

Renforcer les droits humains et le financement du climat

Le contre-projet indirect édenté à l'initiative pour des multinationales responsables est également une occasion ratée de garantir le plein respect des droits humains et de la protection de l'environnement par les entreprises suisses. Il est grand temps d'adopter une législation qui améliore la résilience des chaînes de valeur mondiales, notamment en renforçant les droits des travailleurs ainsi que la protection de l'environnement. « Le Conseil fédéral doit élaborer au plus vite un projet de loi harmonisé avec les normes internationales et les lois déjà adoptées par plusieurs pays de l'UE », déclare Missbach.

En ce qui concerne la contribution à la lutte contre la crise climatique, Alliance Sud salue l'augmentation de la contribution annuelle pour la CI, mais compte tenu de son importance économique, la Suisse doit contribuer au moins à hauteur de 1 % – soit 1 milliard de francs par an – au financement international de la lutte contre le changement climatique, sans pour autant grever la coopération au développement existante.