Prise de position du 16 décembre 2020

Non à l’interdiction générale de voyager pour les personnes admises à titre provisoire

Aujourd’hui, le Conseil national a décidé de ne pas entrer en matière sur la modification prévue de la loi sur les étrangers et l’intégration (LEI) (objet 20.063). L’EPER approuve cette décision. Cette modification législative n’apporte que des améliorations marginales et entraîne un durcissement inutile des dispositions en vigueur. L’interdiction générale de voyager prévue pour les personnes admises à titre provisoire, en particulier, va à l’encontre de leurs droits fondamentaux et rend leur intégration plus difficile. En prenant cette décision, le Conseil national montre qu’il protège les droits fondamentaux des personnes admises provisoirement et ne souhaite pas ajouter des obstacles d’ordre bureaucratique à leur intégration.

En Suisse, environ 50 000 personnes sont admises provisoirement. Aujourd’hui, nous savons qu’une grande partie d’entre elles restent en Suisse à long terme. Pour beaucoup, l’admission provisoire dure plusieurs années. Pour les enfants, les parents seuls, les personnes malades, handicapées ou âgées en particulier, les obstacles pour obtenir une autorisation de séjour sont presque insurmontables. Toutes ces personnes seraient particulièrement touchées par les durcissements prévus.
Recours du SAJE au TAF - EPER : rétrospective de l’année 2019

Non à l’interdiction générale de voyager

Les conditions d’obtention d’une autorisation de voyage pour les personnes admises à titre provisoire sont déjà très strictes aujourd’hui. L’interdiction générale de voyager demandée par le Conseil fédéral au niveau légal va encore plus loin. Dans certains cas, elle enfermerait les personnes concernées sur le territoire suisse. Une telle restriction de la liberté de mouvement (art. 10 de la Constitution) et du droit à la famille (art. 14 de la Constitution) est disproportionnée et ne peut être reconnue d’intérêt public. Bien au contraire. Selon l’expérience de l’EPER, l’interdiction de voyager rend l’intégration des personnes admises provisoirement encore plus difficile. Dans le cadre de ses projets, l’EPER est notamment témoin de la situation suivante :

Une femme réfugiée afghane vit depuis neuf ans en Suisse, en tant que personne admise à titre provisoire. Elle se sent souvent seule. Son frère, qui est la personne la plus proche de sa famille, vit avec sa famille en Allemagne. En raison de l’interdiction de voyager, elle ne peut pas lui rendre visite. Cette situation lui cause une grande souffrance psychique. Elle ne parvient pas à se concentrer pendant ses cours de français.*

Comme cette femme et son frère, des millions de familles se retrouvent séparées après avoir fui la guerre ou des persécutions. Retrouver ses proches et ses amis et pouvoir leur rendre visite, notamment à l’étranger, est extrêmement important pour les personnes réfugiées. Interdire ces voyages ou les autoriser uniquement à titre exceptionnel a un impact négatif sur leur santé, et par extension sur leurs capacités d’intégration. Cette interdiction est également un obstacle à leur insertion professionnelle, comme le montre l’exemple suivant :

Un ingénieur syrien disposant d’une expérience dans la gestion de projets au niveau international n’a pas pu accepter un emploi qualifié, car celui-ci impliquait des voyages professionnels. De ce fait, il est toujours bénéficiaire de l’aide sociale.*

Ainsi, l’interdiction de voyager pour les personnes admises à titre provisoire ne pèse pas uniquement sur les personnes concernées. Si cette mesure porte atteinte à leur santé et complique leur insertion professionnelle, elle a des répercussions négatives sur l’ensemble de la société. L’EPER salue donc le fait que le Conseil national ne souhaite pas compliquer l’intégration des personnes admises provisoirement et qu’il ait rejeté cette modification législative. L’EPER appelle maintenant le Conseil des Etats à suivre cette décision. Dans un deuxième temps, une révision fondamentale du statut des personnes admises provisoirement serait nécessaire afin d’améliorer réellement leurs chances d’intégration tout en réduisant les coûts liés à l’aide sociale.

* Deux exemples réels tirés des projets de l’EPER. L’organisation connaît ces deux personnes.

Joëlle Herren
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