Action Assurance droits humains
Une entreprise privée qui propose une protection juridique pour protéger vos droits humains ? Pas si absurde si le peuple suisse accepte l’initiative de l’UDC trompeusement nommée « pour l’autodétermination ».
L’acteur Gilles Tschudi s’est glissé dans la peau d’un courtier de l’assurance Justus.
Vérification des faits avec le Top 10 des fausses affirmations de l’UDC
- « Cette initiative ne s’oppose pas à la Convention européenne des droits de l‘homme. »
- « En Suisse, les droits humains sont suffisamment garantis par la Constitution fédérale. »
- « Notre objectif n’est pas de résilier la CEDH. »
- « Les décisions de la CrEDH ne nous apportent que du paternalisme. »
- « Les juges à Strasbourg ne connaissent pas la Suisse, ne nous soumettons pas. »
- « La CrEDH intervient dans des domaines qui n’ont rien à voir avec les droits humains. »
- « Les juges strasbourgeois protègent les étrangers que la Suisse souhaite expulser. »
- « En Suisse, c’est au peuple de décider et non à des juges ou professeurs étrangers. »
- « Ce que veut l’initiative existe depuis longtemps en Allemagne. »
- « Sans l’initiative pour l’autodétermination, le peuple ne pourra bientôt plus rien dire. »
1. « Cette initiative ne s’oppose pas à la Convention européenne des droits de l‘homme. »
Le texte de l’initiative est clair : « Le Tribunal fédéral et les autres autorités sont tenus d’appliquer les lois fédérales et les traités internationaux dont l’arrêté d’approbation a été sujet ou soumis au référendum. » (nouvel article 190 Cst.). Cette disposition vise directement la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH), dont la ratification en 1974 sous l’ancienne Constitution ne relevait pas du référendum. La CEDH ne peut également pas être simplement renégociée et réadaptée, comme le prévoit le nouvel article 56a, 2 du texte d’initiative dans le cas d’un conflit avec le droit national. De telles adaptations ne sont pas possibles dans le cas de la CEDH qui n’est pas « à la carte ». Les initiant-e-s en sont parfaitement conscients. Ce qui devrait se produire, si aucune modification n’est possible est également clairement établi par le texte d’initiative : il prévoit la résiliation des traités concernés. Cela concerne également la CEDH (voir point 3).
2. « Nous n’avons pas besoin de la CEDH : en Suisse, les droits humains sont suffisamment garantis par la Constitution fédérale. »
3. « Notre objectif n’est pas de résilier la CEDH. »
L’acceptation de l’initiative ne signifie pas la résiliation immédiate de la CEDH, mais cela autoriserait d’abord une rupture de contrat avec certaines dispositions de la Convention. Si le Tribunal fédéral n’est plus lié aux dispositions de la CEDH, cela affaiblirait immédiatement la protection des droits fondamentaux en Suisse. L’argumentaire de l’UDC sur son initiative ne laisse aucun doute sur ses intentions : « Pour lever une éventuelle contradiction entre la Constitution et la CEDH, il faudra, conformément à l'art. 56a du texte de l'initiative, faire valoir une réserve par rapport à la CEDH ou, si cela n'est pas possible, résilier cette convention. » 3 . Or, il n’est pas possible d’émettre de réserves par rapport à la CEDH. Et avec les dispositions transitoires prévues dans l'initiative, les nouvelles règles s'appliqueront également à tous les traités existants. Actuellement, il existe déjà dans la Constitution fédérale des contradictions au sens de l’art. 56a : par exemple, l’interdiction de construire des minarets. Si l’initiative était acceptée, l’UDC pourrait donc exiger la résiliation immédiate de la CEDH. Cette exigence fait partie depuis longtemps de l’agenda politique de l’UDC : le Conseiller fédéral Ueli Maurer avait déjà déposé une demande de résiliation de la CEDH lors de la séance du Conseil fédéral le 18 novembre 2014.
4. « Les décisions de la CrEDH ne nous apportent que du paternalisme. »
5. « Les juges à Strasbourg ne connaissent pas la Suisse, ne nous laissons pas dicter notre conduite et ne nous soumettons pas. »
6. « Avec l’interprétation dite 'dynamique du droit', la CrEDH intervient de manière incontrôlée dans certains domaines qui n’ont plus rien à voir avec la définition originelle des droits humains. »
7. « Les décisions rendues par les juges strasbourgeois protègent les étrangers (y compris les criminels) que la Suisse souhaite expulser ou interdire d’entrée sur son territoire. »
Dans l’ensemble, ces cinq dernières années, entre 2013 et 2017, la CrEDH a revu 17 cas d’expulsion ou de renvoi (droit d’asile et droit pénal). Dans 10 de ces cas, il a été estimé que la Suisse avait bien agi. Seuls 7 cas constituaient une violation de la Convention. Les autres plaintes étaient soit non recevables, soit elles ont été radiées du registre. Il est important et juste, que même lors d’interventions significatives, comme par exemple le renvoi d’un secondo ou d’un père de famille, une évaluation individuelle ait lieu et que le bien de l’enfant soit pris en compte. De même, lors du renvoi des requérants d’asile, une évaluation approfondie est menée. En janvier 2017, la CrEDH a constaté une violation de la Convention dans le renvoi d’un requérant d’asile tamoul. Dès son arrivée au Sri Lanka, l’homme avait été arrêté puis torturé.
8. « En Suisse, c’est au peuple de décider ce qui est applicable dans son pays et non à des politiciens, juges ou professeurs étrangers. »
C’est exactement ce que fait le peuple suisse ! Nous, Suissesses et Suisses, votons sur ce qui s’applique dans notre pays en vertu de la participation démocratique directe. C’est déjà le cas actuellement. Nous avons conclu de notre plein gré tous les traités internationaux et nous pourrions également les résilier. La CEDH pourrait donc également être dénoncée. Il serait plus honnête que l’UDC exige ouvertement la résiliation de la CEDH au lieu d’essayer de la rendre caduque par des moyens détournés (avec son nouvel article 190 Cst.).
9. « Ce que veut l’initiative existe depuis longtemps en Allemagne : les jugements émis par Strasbourg ne sont pas mis en œuvre s’ils sont incompatibles avec le droit fondamental allemand. »
10. « Sans l’initiative pour l’autodétermination, le peuple ne pourra bientôt plus rien dire. Ne pas tenir compte des référendums populaires est préoccupant en termes de politique démocratique et constitue une attaque directe contre les droits humains. »
Dans la démocratie et dans ce monde de plus en plus globalisé, la souveraineté signifie l’autodétermination dans le cadre des normes fondamentales qui respectent les droits des personnes et qui rendent possible une démocratie à long terme. La démocratie directe est un morceau essentiel de notre démocratie, terme issu du grec et qui veut dire « pouvoir du peuple ». Cela ne signifie cependant pas que le pouvoir des personnes ayant le droit de vote soit illimité. Parmi les éléments centraux de la démocratie moderne, qui s’est développée depuis la révolution française, citons la séparation des pouvoirs et la protection des droits fondamentaux (et des minorités) ou encore la séparation de l’Eglise et de l’État. L’initiative de l’UDC cherche à renforcer l’influence des personnes ayant le droit de vote face au Parlement et au Tribunal fédéral et s’attaque ainsi à la séparation éprouvée des pouvoirs d’après la doctrine des « checks & balances ». Nos droits et la démocratie ne sortiront en aucun cas renforcés par cette initiative, mais bien au contraire, affaiblis.