Communiqué de presse du 17 juillet 2019

Pas de développement durable sans une société civile forte

L’Entraide Protestante Suisse (EPER) prend position sur les futures orientations de la coopération internationale suisse en soulignant que le rôle de la société civile n’est pas assez pris en considération. Or, d’après un rapport publié par l’EPER, les objectifs de développement durable fixés par l’Agenda 2030 sont voués à l’échec sans une implication forte de la société civile.

L’EPER a été invitée à prendre position sur le projet de la coopération internationale 2021-2024 de la Suisse. La Confédération fixe quatre objectifs sur lesquels la coopération internationale devra se concentrer ces prochaines années : encouragement d’une croissance économique durable, lutte contre les changements climatiques, réduction de la migration irrégulière et promotion de la paix, de l’état de droit et de l’égalité des sexes. L’EPER salue ces objectifs, qui contribuent à la concrétisation de l’Agenda 2030.
Ohne starke Zivilgesellschaft keine Entwicklung
Karin Desmarowitz

L’EPER souligne toutefois que l’état de droit et la bonne gouvernance sont des conditions indispensables à la réalisation des autres objectifs de la coopération internationale. Partant de ce constat, elle estime important de mettre davantage l’accent sur la protection et le renforcement de la société civile, dont la marge de manœuvre est drastiquement restreinte dans de nombreux pays. En effet, une très faible proportion de la population mondiale (seulement 4%) vit dans un pays où elle peut s’exprimer librement, se réunir sans entrave et avoir accès à une presse indépendante.

 

La vie politique, économique et sociale s’en ressent dès lors que la critique est étouffée, que la participation à la vie publique expose les personnes à des sanctions et que la liberté d’opinion et de réunion sont fortement entravées. L’EPER et deux autres membres d’Act Alliance ont publié un rapport qui montre que les objectifs de développement durable sont voués à l’échec sans une implication forte de la société civile. Pire encore, les progrès enregistrés jusqu’ici dans les domaines de la lutte contre la pauvreté, de la faim et des injustices risquent d’être perdus si la société civile continue de voir ses droits politiques et juridiques bafoués.

 

Pour ces raisons, l’EPER demande que l’objectif 4 du rapport explicatif du Conseil fédéral soit complété dans le sens d’un développement durable et inclusif en prévoyant la protection des droits civiques fondamentaux et le renforcement d’une société civile diverse et inclusive. La stratégie de la Confédération doit s’engager à faire progresser les droits humains et la démocratie afin de freiner la tendance actuelle à restreindre les droits civiques. Il est également nécessaire que la Confédération s’engage davantage contre l’impunité et pour la protection des personnes militant dans le domaine des droits humains. Tant en Suisse que dans les pays partenaires, la collaboration avec la société civile doit s’inscrire sur le long terme pour favoriser un climat de confiance mutuelle. Ce sont précisément les acteurs de la société civile qui portent la voix des populations pauvres ou défavorisées et qui font en sorte que l’aide de la coopération au développement leur parvienne au lieu d’être captée par quelques privilégiés.

 

L’EPER s’engage depuis de nombreuses années pour le renforcement de la société civile dans les pays où elle mène des projets. Sur les plans local, national et international, elle travaille avec des partenaires qui aident les personnes défavorisées à faire valoir leurs droits.

Prévenir plutôt que guérir
 

Il est important, aux yeux de l’EPER, que la Suisse prenne des mesures pour lutter contre les changements climatiques et pour renforcer les capacités de résilience des personnes les plus fortement touchées. Ainsi, ces personnes pourront réagir avec leurs propres ressources face à des catastrophes dont la fréquence et le degré risquent de s’aggraver. La résilience et la prévention des catastrophes font d’ailleurs partie intégrante de la coopération au développement et permettent de réduire les interventions de l’aide humanitaire. Partant de ce constat, l’EPER juge positif que la Confédération prenne au sérieux les changements climatiques, mais elle demande que cette thématique prioritaire soit mieux financée hors du cadre de la coopération au développement, par exemple à travers la redevance sur le CO2, comme le Conseil fédéral l’avait promis à l’origine.


Cadre financier insuffisant


La part allouée à la coopération internationale représente 0,45% du produit intérieur brut (PIB). Ce pourcentage n’est plus que de 0,4% si l’on enlève les dépenses liées à l’asile, que plusieurs organisations estiment ne pas devoir être comptées dans la coopération au développement. L’objectif de 0,7% a pourtant été annoncé à plusieurs reprises par la Confédération. En tant que grande gagnante de la mondialisation, l’EPER considère que la Suisse serait bien avisée d’atteindre cet objectif et suive l’exemple d’autres pays tels que la Suède, la Norvège, le Danemark, le Luxembourg ou le Royaume-Uni qui consacrent déjà 1% de leur PIB pour un monde prospère et plus juste. Par conséquent, l’EPER demande que la Confédération tienne ses engagements et fasse passer à 0,7% du PIB la part allouée à la coopération internationale d’ici fin 2024. A long terme, il s’agira d’accroître ce taux à 1% du PIB.

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