Fondation de l’Alliance suisse contre les SLAPP
Une nouvelle alliance d’ONG et de professionnels des médias souhaite sensibiliser le public suisse au fait que les acteurs économiques intentent de plus en plus de procédures-bâillons en Suisse également. L’association nouvellement créée s’engage notamment en faveur d’une meilleure législation afin de mettre un frein suffisamment tôt à de telles procédures judiciaires.
SLAPP ― acronyme de Strategic Lawsuits Against Public Participation ― renvoie au terme anglais slap (« gifle » en français). Et ce n’est pas un hasard : cette notion, qu’on appelle aussi « procédure-bâillon » regroupe les actions judiciaires qu’initient notamment les multinationales pour mettre sous pression les journalistes et les ONG en vue d’étouffer dans l’œuf la publication d’enquêtes sur des violations de droits humains ou visant à dénoncer de potentiels actes de corruption, des malversations financières et/ou des dégâts environnementaux. Souvent, une simple menace d’assignation en justice fait déjà son effet, précisément parce que les petites ONG et les journalistes aux ressources financières limitées ne peuvent se permettre de longs procès onéreux.
Une dizaine de plaintes depuis 2018
Un sondage de l’EPER effectué en 2022 auprès de 11 organisations non gouvernementales montre que, ces dernières années, le nombre de plaintes et menaces de plainte faisant suite à la publication de reportages critiques a fortement augmenté en Suisse. Alors qu’entre 2000 et 2010 seules 2 menaces de plainte ont été comptabilisées, les organisations non gouvernementales sondées ont été confrontées à 17 actes judiciaires d’intimidation depuis 2010. En outre, depuis 2018, une dizaine de plaintes ont été déposées ― dont plusieurs passeront devant les tribunaux encore cette année. Les associations de journalistes déclarent elles aussi avoir dû défendre leurs membres à plusieurs reprises ces dernières années contre des plaintes certes vouées à l’échec de par leur contenu, mais ayant engendré des coûts conséquents.
Un exemple actuel de cette tendance est la procédure intentée par Jamilah Taib Murray ― fille d’un politicien malaisien ― contre le Bruno Manser Fonds (BMF) qui a connu une nouvelle étape le 16 août dernier. La plaignante, une femme d’affaires millionnaire active dans l’immobilier, cherche à interdire 249 publications du BMF qui reprochent à sa famille d’avoir notamment tiré profit de la déforestation illégale de la forêt tropicale malaisienne. Alors que le Ministère public bâlois avait déjà clôturé une procédure pénale intentée par Taib Murray contre le BMF, celui-ci doit à présent faire face à une action civile devant les tribunaux. « Cette action en justice est une procédure-bâillon », affirme Johanna Michel, directrice adjointe du BMF. « La preuve : on a tenté de nous discréditer et de nous ruiner financièrement. Il est important de ne pas se laisser intimider par ce type de procédure. Les SLAPP doivent cesser d’être une bonne affaire pour les potentats et les multinationales. »