Brève du 31 octobre 2023

Recours gagné au Tribunal administratif fédéral

Dans l’arrêt F-4754/2020 du Tribunal administratif fédéral (TAF) du 23 octobre 2023, le SAJE a vu ses efforts pour défendre la reconnaissance d’un statut de séjour stable pour des personnes invalides et/ou en charge de l’éducation de leurs enfants couronnés de succès.

Le cas concerne une famille originaire du Yémen arrivée il y a 14 ans en Suisse qui n’était pas autonome financièrement, car le père est invalide et la mère s’occupait intégralement de l’éducation de leurs cinq enfants. Alors que leurs enfants sont tous naturalisés, le Secrétariat d’État aux migrations avait refusé la transformation de leur admission provisoire en permis B en raison de leur manque d’intégration professionnelle et de leur longue dépendance à l’aide sociale.

Discussion autour d'une table
YVES LERESCHE

Le couple est toutefois autonome financièrement depuis 2019, grâce à l’octroi de prestations complémentaires délivrées par l’assurance invalidité. Cette assurance n’est pas intervenue avant pour des questions formelles, mais l’invalidité a toujours été reconnue. Dans son arrêt, le TAF a considéré que l’on ne pouvait pas complètement reprocher aux parents leur absence d’autonomie financière, dans la mesure où l’invalidité et la charge éducative de cinq enfants rendent l’absence d’intégration professionnelle excusable. Il reconnaît toutefois qu’il s’agit d’un élément en leur défaveur, mais pas rédhibitoire. En revanche, le TAF considère que l’intégration sociale est réussie, puisque les cinq enfants ont été naturalisés. Le Tribunal a aussi rappelé que la longue durée de séjour en Suisse réduisait les exigences pour l’obtention du permis B. Enfin, il a aussi souligné que le Yémen est en proie à sa huitième année de guerre et que la famille n’a plus aucun proche ni réseau sur place. Ainsi, dans le cas hypothétique d’un renvoi, elle serait confrontée à de sérieux obstacles pour sa réintégration. La balance des intérêts plaidait donc pour l’octroi d’un statut de séjour stable, soit un permis B.

L’EPER salue cet arrêt, qui tient compte des difficultés particulièrement importantes rencontrées par la première génération de personnes exilées pour s’intégrer complètement au niveau professionnel. L’autonomie financière complète est ainsi très difficile à obtenir, surtout dans les cas de familles nombreuses. Cet arrêt reconnaît également et à juste titre une intégration sociale réussie lorsque les enfants sont tous naturalisés. « Malgré de nombreux enjeux et des situations souvent précaires, les personnes exilées de la première génération savent encourager et accompagner leurs enfants pour qu’ils s’intègrent parfaitement socialement, puis professionnellement en Suisse et ce mérite doit leur être reconnu, ce qui vient d’être fait », commente Chloé Ofodu, responsable du SAJE.

Le droit d’asile confère des statuts de protection différents selon les circonstances. Parfois, les personnes sont au bénéfice de l’asile (permis B), parfois au bénéfice d’une admission provisoire (permis F). Le permis F rend le regroupement familial plus difficile, empêche généralement leurs titulaires de voyager, engendre souvent une aide sociale plus limitée et a un impact psychologique négatif sur les personnes concernées, qui se sentent appartenir à une sous-catégorie de personnes à protéger et ont peur de la levée de l’admission provisoire, même si dans les faits elle a rarement lieu. Le droit permet aux titulaires d’un permis F de prétendre à un statut de séjour stable, le permis B, après cinq ans de séjour en Suisse et pour autant que les personnes puissent justifier d’une intégration poussée. L’intégration poussée est réalisée en général lorsque la personne ou la famille est autonome financièrement, a un niveau A1 au moins dans l’une des langues nationales, n’a pas de dette et n’a pas enfreint la sécurité ou l’ordre public. Dans la balance des intérêts, des obstacles à la réintégration dans le pays d’origine doivent parfois aussi être évalués. 

Joëlle Herren
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